L’atelier de sculpture est installé à ciel ouvert dans le Centre de détention de Nouméa. Il ressemble à une vaste volière où patientent de grandes sculptures auxquelles les détenus travaillent une fois par semaine. Un artiste français originaire de l’Hérault supervise l’atelier, mais c’est un détenu Kanak, sculpteur de métier, condamné à plus de vingt ans d’emprisonnement, qui transmet aux prisonniers non seulement la façon de sculpter mais les règles traditionnelles de représentation de la mythologie kanake. J’ai pu assister à deux séances d’atelier lors de mon enquête et questionner quelques prisonniers sur leurs oeuvres. Beaucoup entretiennent avec elles un lien étroit. Le sculpteur d’un guerrier me présente son travail du moment : deux mains creusées dans le bois. « C’est pour accueillir l’enfant. Tous les enfants, parce qu’ils sont là et qu’on ne peut pas les abandonner. C’est un hommage à tous les enfants, dit-il. Il y a tout l’amour pour les enfants qui va ressortir de la sculpture ». Un autre détenu explique : « C’est un sorcier avec un lézard sur l’épaule, et les mains sur le corps d’un taureau qui représente la force ». Le détenu ajoute qu’il était menuisier et que le visage du sorcier est sorti tout seul.
Journal d’une ethnologue dans une prison de Kanaky, Nouvelle-Calédonie, Chantal Deltenre, Editions Anacharsis, 2022