Aujourd’hui, dans les cinq cents mètres autour du point où je vis, le soleil a brillé dès la première heure de la journée; l’équipe de couvreurs occupée depuis des mois à réparer le toit de la basilique devant chez moi, était déjà au travail ; je les entendais rire et chanter dans l’échafaudage vertigineux dressé jusqu’en haut du clocher.
Aujourd’hui, dans les cinq cents mètres autour du point où je vis, des passants allaient et venaient tous masqués, d’un pas pressé ; mais à la porte du fleuriste, une file très sage patientait et chacun repartait avec sa plante verte ou son bouquet ; les vélos et les trottinettes descendaient à toute vitesse la rue du Chemin Vert ; plus besoin de faire attention aux rares voitures, seules les ambulances dépassaient les vitesses réglementaires.
Aujourd’hui, dans les cinq cents mètres du point où je vis, l’homme dit « sans domicile fixe » installé à demeure depuis deux ans sous le porche de la ressourcerie fermée pour cause de confinement, avait rajouté une couette sur sa couche : la température de ce 3 novembre 2020 était de quelques degrés inférieure à la moyenne de saison.
Aujourd’hui, dans les cinq cents mètres du point où je vis, un homme est sorti du métro, armé d’une machette et d’un couteau, il a calmement gagné sa chambre dans un hôtel borgne tout près du cimetière; dans le quartier soudain cadenassé par des policiers et soldats surgis de partout, on aurait pu entendre un oiseau chanter, mais c’est la cloche de la basilique qui a timidement tinté, ce qui ne lui était plus arrivé depuis longtemps.
Aujourd’hui, dans les cinq cents mètres autour du point où je vis, le soleil s’est couché paisible dans son ciel doré ; sur le kiosque à musique dans le square déserté, une ballerine en robe rouge dansait, tourbillonnant sur ses pointes. Légère, légère…
Journal d’images 2020, Chantal Deltenre
