Dans l’exposition que la Maison Européenne de la Photographie consacre à Erwin Wurm, j’ai retrouvé cette oeuvre appelée « La maison obèse » déjà vue l’an dernier au Musée Cantini de Marseille et qui m’avait marquée. Une vidéo qui met en scène une maison archétypale, un personnage au doux regard figuré par les deux fenêtres et à la voix douce, sortant de sa bouche étroite, une porte rouge. La maison se demande si on la voit, comment on la voit. Cette oeuvre me rappelle les discrets mouvements de rideaux qui m’accompagnaient quand, bien des années après l’avoir quitté, je traversais le village où j’ai passé mon enfance. La maison regardait passer celle qui était partie vivre loin, à la ville. Les rideaux m’apparaissaient comme les paupières des fenêtres. Elles s’ouvraient, se refermaient : c’était le signe que la maison m’observait… Je ne m’étais jamais demandé si la maison se sentait regardée quand je passais. Pourtant je la dévorais des yeux, l’air de rien. Et ce qui me frappait le plus, c’est qu’elle ne changeait pas : son « visage » était toujours le même, sauf parfois son fard à paupières, les rideaux… J’aurais voulu que les maisons me parlent, qu’elles racontent leur histoire, la fierté ou la honte de leurs aménagements. Elles étaient muettes… Ou alors je ne les ai pas entendues.
Journal d’images, Chantal Deltenre, septembre 2020.
